LEGENDE : LEV YACHINE, l’araignée noire
Il était surnommé « l’araignée noire » pour sa souplesse et son agilité mais aussi en raison de son maillot et son short toujours noirs et, enfin, parce qu’il avait tissé une toile d’araignée infranchissable devant son but !
Né dans la famille d’un serrurier de Moscou en 1929, Lev Yachine travaille très jeune en usine comme apprenti métallurgiste. Il est d’abord gardien de but de hockey sur glace au Dynamo Moscou avant de chausser les crampons de footballeur. Il faudra néanmoins plusieurs années au jeune des quartiers ouvriers pour s’imposer avec l’équipe première. C’est à 24 ans qu’il devient titulaire au Dynamo de Moscou, son club de toujours, puisqu’il y jouera pendant vingt ans. Son palmarès est plus qu’honorable : 5 fois champion d’URSS, 3 coupes d’URSS, vainqueur du Championnat d’Europe des Nations en 1960, vice-champion d’Europe en 1964, demi-finaliste de la Coupe du monde en 1966. Mais ce n’est pas ce qu’on retiendra de ce footballeur exceptionnel.
Yachine était surtout en avance sur son temps. Il a révolutionné le poste de gardien à une époque où les portiers restent plantés sur leur ligne de but. Pour lui, « Attendre passivement sur cette ligne blanche est facile, réducteur et même parfois ridicule. Pourquoi priver l’équipe d’un joueur de champ supplémentaire quand cela est possible ? Surtout que notre position nous assure une vision privilégiée du match. » Pour être plus performant en dehors de sa surface, en plus de ses entraînements de gardien, il consacre des heures au dribble, au tir, à la jonglerie, aux contrôles, aux passes… On le prend pour un original, qualifiant parfois son style de jeu de « cirque ». En réalité, il comprend 40 ans avant tout le monde qu’un gardien doit participer au jeu. Il innove aussi en faisant des relances immédiates avec le ballon après avoir effectué un arrêt pour permettre à ses partenaires de contre-attaquer rapidement, c’est le début des relances à la main. Il est également le premier à boxer les tirs qu’il juge trop difficiles à maîtriser, plutôt que de les stopper.
Du haut de son 1,89 mètre, il impressionne ses adversaires, dans les airs, en dehors de sa surface mais aussi sur sa ligne, lui qui a arrêté pas moins de 150 penalties au cours de sa carrière ! Lors de la Coupe du monde de 1966, Eusebio, la star portugaise, s’excuse même d’avoir réussi son penalty face à lui… Il est le gardien ayant le meilleur ratio de matchs officiels sans encaisser de but de l’histoire du football (270 matchs sans but sur 813). En 1963, Yachine reçoit le Ballon d’or ; il est, encore à ce jour, le seul gardien de but à avoir reçu ce prix.
Quatre ans après sa mort, le 21 mars 1990, la Fifa choisit de donner le nom de Lev Yachine au prix récompensant, depuis 1994, le meilleur gardien de la Coupe du monde. En 1999, il est nommé meilleur gardien du siècle. Selon Pelé, nul doute, Yachine est « Pour toujours numéro un ». L’araignée noire restera à jamais une source d’inspiration pour les gardiens de but qui lui ont succédé, à commencer par Fabien Barthez qui portait durant sa carrière une tenue noire comme l’immense Lev Yachine…
Par Franck Paquet-Durand ©DR